Le jour où j’ai dû faire le deuil de mon enfance
(Les fans me comprendront, les autres … pas sûr :D)
Ce jour-là, j’y suis allée à reculons.
C’est bizarre d’ailleurs, car je l’attendais depuis longtemps, je comptais les jours, les heures, les minutes, qui m’en séparaient. Les derniers moments, je ne tenais plus en place, je ne pensais qu’à ça ; j’avais hâte d’y être.
Et puis en même temps, non, je ne voulais pas y être, car cela signifiait que la fin était déjà arrivée.
Aussi insoutenable que l’attente fut, l’idée d’un point final à tout cela l’était encore plus.
Un point final, comme un deuil à faire, alors que rien de tout cela n’était réel ; mais cela a pris tellement d’importance dans ma vie, et dans celle de millions de personnes, qu’au fond, ça l’était un peu. Il a donc fallu se séparer de personnages qui avaient grandi avec nous, car quand je les ai connus, j’avais le même âge qu’eux. Il a fallu aussi se séparer de tout l’univers qui les entourait. C’est un peu comme quitter des amis qui partent vivre très loin, et qu’on sait qu’ils ne reviendront plus. Ils sont toujours là, quelque part, mais plus « physiquement », et ça fait un peu mal au ventre. On sait que c’est inéluctable, on connait la date de leur départ, mais on se dit qu’on a encore le temps d’en profiter, que ce n’est pas encore pour tout de suite, qu’il reste quelques mois, quelques semaines, quelques jours… et puis arrive le jour J.
Ce jour J, justement, j’étais impatiente d’y être, pour voir ce que cela allait donner. Je l’avais rêvé, imaginé, mis en scène… et je voulais le voir, absolument, le temps passait trop lentement.
Mais j’avais aussi un trac énorme. Le trac d’enfin savoir si tout ce que j’avais imaginé serait à la hauteur de mes espérances. Le trac de dire adieu à tout ce qui avait fait mon enfance, le trac de vivre cette attente pour la dernière fois, le trac de me retrouver assise dans la salle, le trac de voir la fin arriver trop vite.
Ce jour J, je l’ai vécu et ressenti exactement comme je l’avais imaginé. J’ai eu le trac, dans la salle, et même avant, toute la journée, j’ai eu le trac d’avoir raison sur ce que j’allais ressentir.
J’ai vibré, j’ai dévoré des yeux tout ce que je pouvais regarder, c’était aussi bien que je l’avais imaginé. Mais quand la lumière s’est rallumée, ça m’a fait super mal. J’ai réalisé qu’elle se rallumait pour la dernière fois, et que cette fois-ci, pour la première fois depuis 10 ans, moi, mes copines, et des millions de personnes ne pourraient plus rien imaginer ni émettre des hypothèses pour la suite, le prochain, et celui d’après. C’était fini, c’est tout. De manière admirable, épique, époustouflante, mais c’était fini.
Depuis quelques jours avec ma copine A. on avait peur de ce qu’on allait ressentir une fois installées, et surtout, une fois que la fin arriverait. On avait peur de la fin, du vide que ça allait provoquer. On avait peur de pleurer. On avait peur de déprimer. Et on avait raison, j’avais raison de me méfier de mes sentiments. Car j’ai eu peur dans le cinéma, ce qui est tellement contradictoire avec le plaisir que j’avais d’être là, l’excitation d’enfin voir ce dénouement (même si je le connaissais déjà, je voulais le voir en images, et c’était exactement ce que j’imaginais). J’avais peur de la fin, je le connaissais tellement par cœur que plus on s’en approchait, plus j’en tremblais. J’avais peur du vide que j’allais ressentir, et je l’ai ressenti, peut-être un peu plus douloureusement que prévu. Cette sensation de se dire que c’est fini. Je déteste ça. Je n’aime pas voir arriver la fin de quelque chose que j’aimais tant, et qui existait depuis si longtemps que cela faisait partie de ma vie. J’y étais tellement habituée que la coupure est trop douloureuse.
Pourtant je savais depuis longtemps qu’elle allait arriver.
Et puis j’ai pleuré. Même si le mot est peut-être fort, j’ai eu l’impression de vivre une sorte de deuil. Cette sensation de perte, de vide, de se dire « et maintenant, on fait quoi ? » ; cette sensation d’enterrer quelque chose qui faisait partie de ma vie et qui ne reviendra plus.
Alors comme je suis une grande fille, je me raisonne en me disant que si tout cela était vrai, j’aurais raison de déprimer, d’être triste. Mais comme tout est imaginaire, comme tout n’est que fiction, je ne devrais pas ressentir cela, ou en tout cas pas aussi fortement.
Mais comme je le disais plus haut, cela a pris tellement d’importance au cours des années que j’ai l’impression qu’au fond, c’était un peu vrai.
C’est ce que j’ai ressenti en fermant le dernier livre, dans une moindre mesure car au moins il restait les films…
Le jour où j’ai dû faire le deuil de mon enfance, c’est mardi soir, le jour où j’ai été voir le dernier Harry Potter au cinéma…